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En Grèce, la mission Perséphone explore les tréfonds des mines du Laurion - Journal LE MONDE
La pointe de l'Attique, souvent limitée à une visite touristique éphémère, recèle encore des trésors insoupçonnés. La montagne du Laurion est pourtant un site exploité depuis la haute Antiquité et l'époque mycénienne (XIVe siècle avant notre ère). Son sous-sol a procuré l'argent de l'expansion d'Athènes. C'est ici que le siècle de Périclès a forgé sa puissance. Pour repousser les Perses lors des guerres médiques (Ve siècle avant J.-C.), Thémistocle fait construire une flotte de 200 trières. Comment ? Grâce à l'argent du Laurion. Eschyle, auteur de la tragédie Les Perses, en témoigne à l'occasion de la victoire de Salamine, en 480 av. J.-C. : plus qu'une armée, les Grecs ont "une source d'argent, un trésor que leur garde la terre"...
Depuis 2002, une équipe franco-grecque travaille à la compréhension des mines du Laurion. Sur près de 120 km2, un incroyable labyrinthe de galeries fut creusé pour extraire le cuivre et le minerai de plomb argentifère. "Un véritable complexe proto-industriel", dit Denis Morin, chercheur au CNRS et spécialiste de l'histoire des sciences et des techniques, qui conduit sur place, depuis le 4 avril, la mission Perséphone. Ici se trouve concentré tout le processus du minerai au métal : extraction, tri, concassage, broyage, lavage, fusion...
Mais comment, dans l'Antiquité, perforer le marbre du sous-sol et exploiter un gisement aussi complexe ? Comment identifier, jusqu'à 120 mètres de profondeur, la présence de filons métalliques ? Bien avant 480 avant J.-C., les ingénieurs athéniens élaborèrent les techniques de forage, de fonçage (creusement des puits) et d'abattage (chantiers de galeries). Ils ont maîtrisé l'éclairage, l'aérage et l'évacuation des matériaux.
En plus d'un indéniable savoir-faire technique, les Athéniens avaient mis sur pied une organisation du travail huilée, exploitant quelque 20 000 esclaves qui se relayaient dans les galeries et les ateliers. Les auteurs anciens en attestent, Callias, Nicias et autres Nicoboulos firent fortune en exploitant ces forçats encadrés par des garnisons d'hoplites.
CARTE MINIÈRE
La victoire de Sparte sur Athènes, à la fin du Ve siècle avant J.-C., mit un terme provisoire à cet âge d'or. Bien plus tard, la Compagnie française des mines du Laurion comprit l'intérêt de ce site polymétallique, en quête, cette fois, de plomb, et l'exploita jusqu'en 1977. Mais la géologie du Laurion n'avait jamais été mise en carte. C'est l'un des objectifs de la mission Perséphone, qui associe des chercheurs du CNRS, des spéléologues, le géologue Patrick Rosenthal et l'équipe d'Adonis Photiades, de l'Institut d'exploration géologique et minière de Grèce.
Pour tracer cette carte minière et tâcher de restituer les techniques de l'Antiquité, ils ont adopté l'appareil respiratoire isolant des sapeurs-pompiers. Ils vont également équiper des puits de capteurs qui enregistreront pendant un an un certain nombre de paramètres thermiques et gazeux, ce afin de valider leurs hypothèses sur la circulation de l'air sous terre. Là où étouffaient les esclaves de la cité-Etat.
André Moissé
Article paru dans l'édition du 08.04.08.
La pointe de l'Attique, souvent limitée à une visite touristique éphémère, recèle encore des trésors insoupçonnés. La montagne du Laurion est pourtant un site exploité depuis la haute Antiquité et l'époque mycénienne (XIVe siècle avant notre ère). Son sous-sol a procuré l'argent de l'expansion d'Athènes. C'est ici que le siècle de Périclès a forgé sa puissance. Pour repousser les Perses lors des guerres médiques (Ve siècle avant J.-C.), Thémistocle fait construire une flotte de 200 trières. Comment ? Grâce à l'argent du Laurion. Eschyle, auteur de la tragédie Les Perses, en témoigne à l'occasion de la victoire de Salamine, en 480 av. J.-C. : plus qu'une armée, les Grecs ont "une source d'argent, un trésor que leur garde la terre"...
Depuis 2002, une équipe franco-grecque travaille à la compréhension des mines du Laurion. Sur près de 120 km2, un incroyable labyrinthe de galeries fut creusé pour extraire le cuivre et le minerai de plomb argentifère. "Un véritable complexe proto-industriel", dit Denis Morin, chercheur au CNRS et spécialiste de l'histoire des sciences et des techniques, qui conduit sur place, depuis le 4 avril, la mission Perséphone. Ici se trouve concentré tout le processus du minerai au métal : extraction, tri, concassage, broyage, lavage, fusion...
Mais comment, dans l'Antiquité, perforer le marbre du sous-sol et exploiter un gisement aussi complexe ? Comment identifier, jusqu'à 120 mètres de profondeur, la présence de filons métalliques ? Bien avant 480 avant J.-C., les ingénieurs athéniens élaborèrent les techniques de forage, de fonçage (creusement des puits) et d'abattage (chantiers de galeries). Ils ont maîtrisé l'éclairage, l'aérage et l'évacuation des matériaux.
En plus d'un indéniable savoir-faire technique, les Athéniens avaient mis sur pied une organisation du travail huilée, exploitant quelque 20 000 esclaves qui se relayaient dans les galeries et les ateliers. Les auteurs anciens en attestent, Callias, Nicias et autres Nicoboulos firent fortune en exploitant ces forçats encadrés par des garnisons d'hoplites.
CARTE MINIÈRE
La victoire de Sparte sur Athènes, à la fin du Ve siècle avant J.-C., mit un terme provisoire à cet âge d'or. Bien plus tard, la Compagnie française des mines du Laurion comprit l'intérêt de ce site polymétallique, en quête, cette fois, de plomb, et l'exploita jusqu'en 1977. Mais la géologie du Laurion n'avait jamais été mise en carte. C'est l'un des objectifs de la mission Perséphone, qui associe des chercheurs du CNRS, des spéléologues, le géologue Patrick Rosenthal et l'équipe d'Adonis Photiades, de l'Institut d'exploration géologique et minière de Grèce.
Pour tracer cette carte minière et tâcher de restituer les techniques de l'Antiquité, ils ont adopté l'appareil respiratoire isolant des sapeurs-pompiers. Ils vont également équiper des puits de capteurs qui enregistreront pendant un an un certain nombre de paramètres thermiques et gazeux, ce afin de valider leurs hypothèses sur la circulation de l'air sous terre. Là où étouffaient les esclaves de la cité-Etat.
André Moissé
Article paru dans l'édition du 08.04.08.